La Chatte
Prêtresse taciturne, guetteuse d’âmes fourvoyées
Ses yeux fendus par une lame sont des agates vives
Piquées d’éclats changeants, nombreux et possédés
D’arcanes qu’elle protège sous des paupières pensives.
Parfois, je la vois qui s’élance pour croiser le vol
D’un oiseau foudroyé dont l’aile rougie s’est affalée;
Alors, elle me regarde comme si j’étais une idole
Et m’offre le présent de l’innocence et de la cruauté.
Pascal
La Pluie
Tendu par cent mille filins de zinc,
Le ciel gris est une voile sans galbe
Qui pousse ma paresse formidable
Vers des bords crasseux et indistincts.
Au jardin vide, les roses pèsent sans odeurs,
Les Sphinx, ivres de lourdeurs, vacillent
Avant de s’affaler dans une dernière vrille
Qui les jette à la flaque au mépris des couleurs.
Mon corps engourdi voudrait se blottir
Pour que je lui fabrique un doux rêve,
Colorié de bleus et d’ambres de grève
Et, où l’on entend le ressac et des rires.
Il pleut…
Pascal
A mon Père
Au fond de ma mémoire, mon rire est un soleil noyé
Il ne réchauffe plus ton épaule dans l’aube ravissante
Où tu me portais pour un galop rayonnant d’innocence,
Cavalier invaincu et superbe, j’avais le monde à tes pieds.
Ta voix familière s’est tue et ton visage presque s’efface
Tu pars, une fois de plus, vers de mauvaises brumes
Qui m’empêchent de t’appeler pour que la vie s’exhume,
Et que mon rire sauvé s’ébroue jusqu’au fond de l’espace.
Pascal
Le Baiser Matinal
Sur les herbes noires, de frêles graminées allument des flammèches
Eclairant mon oeil rêveur qui s’emplit, peu à peu, des tièdes paleurs
De la journée nouvelle. Elle aura, bientôt, la blondeur des pêches
Grosses d’une pulpe au jus frais qui pare le jour d’invisibles couleurs.
Sans un mot, tu as mis sur ma joue un baiser mouillé comme une fleur
Qui sort de l’ombre pour s’éclabousser encore d’une folle espérance;
Sa corolle est profonde, mon âme s’y penche pour écouter ton coeur
Battant avec le mien pour une aube vierge qui cherche sa substance.
Pascal
Vision d’Automne
Elle danse et tourne, un peu Gitane, peut-être folle,
Elle ne dit rien mais son beau regard est singulier
Car il tire de mon coeur le ruban sombre des regrets
Et me donne l’oubli mieux que le meilleur alcool.
Sous le ciel possédé de son jupon qui s’élève,
Je vois s’envoler un bel ange noir qui frissonne
Emplissant ma raison du plus vivant des rêves
Eclairé par des seins blancs de païenne Madone.
Elle me quitte toujours quand mon corps la veut,
Son sourire dit non pour que je retourne à la vie,
Elle pose sur mes lèvres un doigt qui scelle mes aveux
Et sur ma tempe, un onguent fait de menthe et d’orties.
Pascal