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Monthly Archives: juin 2006

L’air est un poison brûlant, il y manque son parfum.
Je ne peux plus me cacher sous l’arche de ses reins
Où je me désaltérais à la source des jours,
En ne pensant à rien, pas même à l’Amour.
L’horizon l’a prise pour la faire naitre ailleurs,
Et moi je reste là dans un monde sans heure.
 
                                                              M Pof
D’abord, il faut que vous sachiez, ma chère, que si parfois, hélas, je taquine la muse,
Ce n’est pas pour briller ou pour plaire, mais tout simplement parce que cela m’amuse.
Mais,sans plus de réflexions vous décrétez que mon dernier billet et sa publication
Etaient là pour le seul et unique intérêt qu’ils pouvaient m’éviter de savoir l’abandon
Et par tous mes lecteurs de me sentir lâché, me sachant dès lors tout seul à l’arrière.
Mais il est bien évident qu’une telle situation, bien sûr, ne serait pas pour me déplaire
Car avec un peu d’une bonne imagination, je contemplerais votre généreux derrière.
 
                                                                                                                M Pof
Aujourd’hui, la rime est difficile et le vers rétif,
J’ai beau me creuser en m’arrachant les tifs,
Non,rien de bon ne vient, que des idées creuses
Ou des imbécilités qui se veulent glorieuses.
C’est grave, car si je ne trouve rien de neuf,
J’aurai bientôt la tête aussi lisse qu’un oeuf.
 
                                                        M Pof
Je ne sais plus qui elle est, son regard est complice
D’un petit animal si doux qui dévore ma conscience
Ses lèvres tièdes s’ouvrent, elle veut que je m’y glisse
Pour connaitre l’oubli, puis la désespérance.
 
                                                                     M Pof
L’épilepsie du ciel m’ébranle et me fissure l’esprit,
Et je veux croire que la voûte est un grand palimpseste
Que chaque orage déchire, en consument les restes,
Pour qu’au delà de l’apparence, nous puissions voir nos vies.
 
                                                                M Pof
J’aime ces vieilles photos perdues et tavelées de rouille
Q’on retrouve aux greniers quand, par hasard , on les fouille.
Tous ces gens qu’on y voit sont souvent des inconnus
Qui nous sourient, simplement, des temps anciens et révolus.
 
Eux, ils ne sont plus et ne possèdent plus rien
Ils ont connu, pourtant, de splendides matins
Mais ils ne craignent plus ni l’oubli ni le jour qui s’achève
Et semblent me dire: ne te soucie de rien car la vie n’est qu’un rêve.
 
                                                                                     M Pof
Portés ici par de fécondes marées lacrymales,
Avec des astéries qui répondent aux étoiles
Sous la paupière de la nuit close par un soleil allé
Sommes-nous porteurs de la conscience des jours
Sommes-nous, Hommes, cônes et batonnets
Ou captifs, regardés et seuls, exilés pour toujours.
 
                                                     M POF

Patiemment, le halo bleuté de la télévision instille les lois du simulacre.
 
Animaux mythologiques prisonniers de l’Histoire,
Nous sommes comme des proies quand le soleil nous fixe
Il nous prend, et nos forces, et nos jours pour distiller le temps.
 
Mon aimée, il n’y a que dans tes yeux que je trouve mon absence.
 
                                                                           M Pof
    Le train était parti. Au début, il s’était mis à trembler puis, doucement avait pris de la vitesse en respirant très fort. Cela faisait un bon moment maintenant qu’il avait dépassé la dernière maison de la ville et qu’il roulait au milieu de la campagne en lançant, de temps en temps, des cris joyeux et fiers.
    Isabelle, sagement assise sur la banquette, n’aurait pu compter les minutes écoulées depuis que ce voyage, qui devait la conduire chez une vieille tante, avait commencé dans un bruit de tempête et d’orage. Son esprit tout entier était habité par ces mots: "fais attention à ta petite valise". C’est ce que lui avait dit sa maman en quittant le compartiment, après l’avoir embrassée et lui avoir essuyé le coin des lèvres avec son mouchoir humecté de salive. Qu’est-ce que ça pouvait vouloir dire? Le nez en l’air, Isabelle fixait la petite valise noire qui tressautait, se calmait, s’énervait à nouveau sans que l’on sache pourquoi. Elle était bien calée là-haut et même en se mettant en colère elle n’irait sans doute pas bien loin; le risque n’était donc pas là. "j’ai trouvé " pensa t-elle soudain "c’est la fermeture!". Elle revit son père, le sourcil soucieux, en train de s’acharner à vouloir immobiliser une languette qui, à plusieurs reprises, s’était brusquement redressée comme un diable sortant de sa boîte. La serrure récalcitrante n’avait pas eu le dernier mot et la querelle s’était terminée par un triomphal: "ça y est, ça ira!". Un papa qui est si grand,qui sait marcher si vite et qui parle au gendarmes sans avoir peur, ne pouvait pas se tromper. "Ca ira!" se dit Isabelle dont le coeur, aussitôt, se desserra. Elle baissa la tête et n’eut plus d’inquiétude pour son bagage.
     Isabelle, n’ayant rien d’autre à faire, décida de s’intéresser aux autres occupants du compartiment; Ils n’étaient que deux. Sur sa gauche, tout près de la porte, un gros monsieur aux joues roses qui portait un pantalon de velours et une épaisse chemise à carreaux rouges et noirs. Il semblait dormir et tenait ses mains posées sur le pommeau d’une canne qui vacillait au rythme du wagon. En face de lui, une femme d’un certain âge, grise des pieds à la tête, lisait. Elle avait porté son livre très haut et très près de son visage. Isabelle ne pouvait voir sa figure mais se doutait qu’elle devait ressembler à une souris. La dame respirait bruyamment, très fort par le nez et cela finit par amuser Isabelle qui s’imaginat que lorsqu’elle éternuerait elle libérerait un nuage de lettres, de virgules et de points d’interrogation.
     Finalement, tout ça n’était pas très captivant. D’un bond, la voilà debout, le nez à la fenêtre. Comme il faisait beau! En contre-bas, un petit ruisseau, comme un serpent de verre aux écailles de lumière rampait tranquillement parmi les hautes herbes et la chevelure des saules. Parfois il se couvrait d’une écume de blanc pur ou se nimbait d’une fine brume d’où jaillissaient de petits arc-en-ciel. Plus loin, à la sortie d’un buisson, il décocha un éclair si intense qu’Isabelle dut fermer les yeux un instant. Les insectes zigzaguant qui traversaient cette lame incandescente semblaient s’y consumer. Les champs tout autour étaient jaunes de boutons d’or et Isabelle se dit qu’il avait plu du soleil. Brusquement, un lourd nuage de suie écrasa sa face hideuse sur la vitre du train. La fillette en fut effrayée, et se sentit seule et sans défense. Prise de panique, elle jeta un regard humide vers l’arrière du train comme pour se rapprocher de l’amour de ses parents qu’elle avait laissés là-bas, sans en avoir vraiment profité. Son malaise s’aggrava. Tout, le ruisseau, les champs, les grands arbres solides, les maisons aux yeux tristes, tout était comme mangé par un très lent tourbillon, implacable. Elle voulut se jeter de l’autre côté du train, vers la fenêtre du couloir, pour savoir si, là aussi, c’était la fin du monde. Elle n’en eut pas le temps. La canne du monsieur dormeur lui barra la route:
– où vas-tu si vite lui dit gentiment celui qui devait être paysan. Tu te souviens ce que t’as dit ta maman? Tu descends à Sainte-Claire. On arrive, tu entends , le train ralentit. Attends je vais prendre ta valise et je vais t’aider à descendre.
La tête de chien, longtemps restée cachée sous les mains caleuses du brave homme impressionna Isabelle qui se laissa guider jusque sur le quai recouvert de graviers mauves.
‘- Lili, c’est moi tante Mélie.
Isabelle reconnut les cheveux argentés de sa tante qui gesticulait à une vingtaine de mètres de là.
– Oh dis donc, qu’est-ce qu tu as grandi, et tes cheveux blonds eux aussi ils ont bien poussé. Bon, c’est pas que cest loin, mais allez ouste, à la maison, de toutes façons on na plus rien à faire ici.
Mélie marchait vite et Isabelle n’avait pas envie de parler, encore sous le coup de la frayeur. Elles rentrèrent en moins de dix minutes. Elles ne s’étaient pas embrassées, pourtant elles s’aimaient bien; ça se voyait.
    Ca sentait bon chez Mélie. La cuisine dégageait une bonne odeur de savon de Marseille et de ciboulette coupée. Dans la salle à manger, c’est un parfum de cire et de fleur qui montait au nez. Tout était à sa place, aucun des meubles ne gênait ses voisins. Tout était calme et harmonieux. Tout oiu presque: une boite cylindrique de fer blanc posée sur un confiturier de chêne sombre, et qui de toute évidence n’avait rien à y faire, intrigua Isabelle qui ne put s’empêcher de questionner Mélie.
– C’est quoi çà?
– Ah, c’est ma boite à boutons, j’ai encore oublié de la ranger.
– Tu me les fais voir?
– Viens t’asseoir…
Elles prirent place. La vieille femme ouvrit la boite et la renversa. Une vague fluide et multicolore inonda une bonne partie de la table ronde. Que de boutons, et tous différents, des petits, des gros, des ronds, des carrés, en cuir, en métal, en bois… La bouche d’Iabelle devint aussi ronde que ses yeux tandis qu’un large sourire éclairait le visage de Mélie.
– Qu’est-ce qu’il y en a, s’exclama la petite fille
– Tu l’as dit, presqu’autant que j’ai de souvenirs. Tiens, regarde, tu vois celui-là, le doré avec une ancre de marine, eh bien c’est mon mari quand il est parti faire son service militaire. Ah, qu’est ce qu’il était beau! Oh! et celui-là, regarde, regarde, on dirait une perle, il était sur ma robe de mariée. J’ai tellement dansé ce jour-là que j’ai cassé le talon d’une de mes bottines. Le vert, là, il était cousu sur une veste que mon mari portait quand il allait travailler à la ville et qu’il lui fallait être bien propre pour parler à tous ces messieurs-dames. Je te le dis, un bouton, un souvenir, avec eux je ne perds rien. Des graines de souvenirs si on veut…
    Isabelle était trop jeune pour savoir que les trains ne faisaient périr personne dans de méchants remous et qu’elle retrouverait bientôt ses parents. Aussi, en voyant la joie et la force de sa tante Mélie elle jura qu’elle aussi, plus tard, quand elle serait grande, elle aurait sa boite à boutons.
 
                                                                                                              M Pof
     
    Ce matin là, je décidai, à ma grande surprise car je n’étais pas coutumier du fait, d’aller marcher sur la grande allée rectiligne qui traverse le parc des Trois Saules d’Est en Ouest. Mon second café avalé, je m’habillai prestement et quittai ma petite chambre mansardée que je laissai à son désordre tranquille et ses odeurs de vieux livres accumulés au gré du hasard et de ma curiosité. Peu m’importait, quand elle monterait le rare courrier que recevaient les autres locataires, Madame Liégeard, ma logeuse, veuve depuis peu et qui m’avait pris sous son aile, y entrerait et, en quelques gestes savants déposerait, çà et là, un peu de sa sagesse de femme et de mère attentive.
     Aprés quelques rues, j’arrivai au Bois. La grande allée calme s’ouvrait devant moi, je me sentais bien et respirais profondément malgré le froid et une épaisse brume qui filtrait les rayons d’un soleil encore pâle et qui semblait vouloir rester accrochée aux branches dénudées des arbres qui m’escortaient. Quelques pigeons auxquels se mêlaient des moineaux prudents picoraient sans me prêter la moindre attention; je n’avais, il faut le dire, aucune envie de les troubler…
      Cela faisait plusieurs minutes que je flânais sans me soucier d’aucune chose quand il me sembla entendre le pas d’un attelage qui arrivait dans mon dos. Je me retournai et la seule chose que j’aperçus fut une vague forme blanche qui peinait à se détacher du brouillard. Je m’arrêtai pour la laisser venir à ma hauteur… C’est alors que j’ai cru que je rêvais encore! Tout l’attelage était blanc, d’un blanc immaculé: les deux poneys qui semblaient enfermés dans leur corps trop petits, la calèche laquée, un nabot en frac qui faisait office de cocher et la passagère, une demoiselle d’environ douze ans, blonde et belle comme une poupée de porcelaine qui protégeait sa tête avec une ombrelle, blanche elle aussi. Je n’eus pas le temps de donner un sens à cette vision que, déjà, cela me dépassait et continuait sa route sans même m’adresser un signe.
      A peine avaient-ils fait quelques mètres que je vis l’ombrelle se refermer sur elle-même et, presque aussitôt, un pigeon, venu de nulle part, tomba mort, à mes pieds. L’ombrelle se rouvrit; elle portait en son centre une tâche rouge parfaitement circulaire.
      Je crois que j’ai pleuré et je me souviens d’avoir voulu, très fort, que la brume se dissipât.
 
                                                                                                                           M Pof